Elle aurait aimé qu'il la voie telle qu'elle était dans la réalité, ni pire ni meilleure..et alors peut-être aurait-elle pu l'accepter et l'accueillir sans inquiètude...
Libérés de toute illusion, ils auraient trouvé ensemble l'attitude la plus juste, la plus adéquate pour que sa présence devienne un plaisir et non une entrave. Ils lui auraient , avec une douce fermeté, indiqué où était sa place et elle, désireuse avant tout d'être acceptée, et les sentant unis de façon inébranlable, elle se serait conformée à ce qu'on attendait d'elle et qui, somme toute, était très simple : il suffisait qu'elle reste à sa juste place...
Mais les choses ne se passaient pas ainsi : lui avait choisi de ne rien voir, de ne rien comprendre. Il agissait toujours ainsi quand la situation où il se trouvait risquait de l'angoisser. Un problème non perçu, c'est comme s'il n'existait pas, comme s'il n'avait jamais existé, il se résolvait de lui-même , il se dissolvait puisque personne n'en parlait...Telle était la croyance qui dirigeait sa vie...
Elle pouvait donc multiplier les actes incohérents, les paroles tout aussi désaxées, il ne remarquait rien et elle se trouvait seule et démunie face à cette invitée qui prenait le masque de la bonté et faisait semblant d'agir toujours pour le bien de ceux qu'elle croyait aimer.
Il lui arrivait bien à lui aussi de s'énerver contre elle quand elle téléphonait plusieurs fois de suite pour distiller ses inquiètudes et qu'elle se répétait sans discontinuer. De sa voix doucereuse, elle avait demandé pourquoi il était toujours en colère quand il lui répondait...Il avait été étonné car il ne se rendait compte de rien...Même sa propre colère, il l'avait niée. Sa propre colère, il n'avait pas pu la reconnaître...Comment aurait-il pu comprendre celle des autres?
Il préférait se fier aux apparences et faire comme si la bonne entente régnait...