"J'écris pour me parcourir. Peindre, composer, écrire: me parcourir. Là est l'aventure d'être en vie" affirme Henri Michaux dans Passages (1950). Toute l'oeuvre de ce poète, né à Namur, consiste en effet en une périlleuse traversée de ce qu'il appelle "l'espace du dedans". Et c'est l'un de ses traits les plus remarquables que de nous parler de l'être, et donc de nous-mêmes, comme d'un territoire à explorer, d'un paysage dont l'apparente stabilité dissimule de minuscules ou spectaculaires événements....
Cette incessante mobilité -doublée d'une intense mobilisation- est le plus efficace remède que Michaux ait trouvé à sa vulnérabilité, à son insatisfaction et son défaut d'être. L'homme, tel qu'il nous le présente (sous les espèces de son héros Plume, par exemple) est une créature précaire, sans appuis, sans identité, livrée à l'aléatoire, jetée brusquement dans le monde où elle n'a pas sa place assurée, où elle doit sans cesse réapprendre à vivre, où il lui faut se protéger contre des forces adverses, se préserver de ses propres démons, et résister à la tentation de céder et de dormir.
L'être de Michaux donne ainsi le sentiment d'une privation, d'une inadéquation foncière entre soi et le monde, d'une division intérieure intolérable. Il se trouve sans cesse aux prises avec une agitation intestine de figures contradictoires. Ce moi "en difficultés" s'effondre en lui-même. C'est celui d'un petit être au souffle court, aux muscles faibles, aux os fragiles: une créature chétive sujette à toutes sortes de vertiges et de métamorphoses, et qui va donc multiplier les mouvements et les passages pour tenter de se délivrer" Jean-Marie Maulpoix
Quelqu'un m'ayant demandé des renseignements sur cet écrivain qui fut aussi peintre..J'ai trouvé ce texte qui me semble donner une idée assez exacte de Henri Michaux..J'aime cet auteur parce qu'il me déconcerte,parce qu'il me transporte dans un ailleurs insaisissable, parce que...je ne sais pas,parce qu'il m'étonne,je crois...
"Quand on marche dans la campagne,lui confie-t-elle encore,il arrive que l'on rencontre sur son chemin des masses considérables. Ce sont des montagnes, et il faut tôt ou tard se mettre à plier les genoux. Rien ne sert de résister, on ne pourrait plus avancer, même en se faisant du mal." (Je vous écris d'un pays lointain)